20 septembre 2021 1 20 /09 /septembre /2021 12:42

 

Si Paimpol représente pour tous l'image de la pêche française d'Islande, au point de cacher l'importance de Dunkerque qui y a pourtant dominé bien plus longtemps, il ne faut pas oublier qu'un certain nombre de ports bretons voisins avaient suivi l'exemple de la capitale du Goélo et se livraient aussi à cette pêche lointaine, que curieusement dans le département des Côtes du Nord sous le nom de Pêche à Islande on séparait de la Grande Pêche qui restait celle de Terre-Neuve.

Ces ports sont tous situés en Bretagne Nord et pratiquement en baie de Saint-Brieuc-Paimpol à part des armements occasionnels à Brest et Lannion. Ils font partie de ce groupe qui s'était investi de très bonne heure ( épisodes connus de la Bonne Aventure de Bréhat en 1508 et de la Jacquette de Dahouêt en 1510 ) dans la pêche de la morue aux Terres Neuves mais fidèles à la côte de l'île, appelée "French Shore", à l'exclusion presque totale du Grand Banc au large pratiqué avant tout par Saint-Malo et les ports normands. Pour assurer l'avenir de cette activité côtière, encore au 10 pluviôse de l'an 9, la Chambre de Commerce de Saint- Brieuc réclamait au citoyen Barbé Marbois, conseiller d'État, d'obtenir le "déguerpissement" des Anglais de l'Ile de Terre-Neuve à la première occasion ou au moins le partage de l'île. Hélas cette possibilité ne sera jamais trouvée et ce seront les Français qui abandonneront leurs droits en 1904 après un siècle de difficultés avec les "nioufs" (Newfoundland !).

La solution de rechange pour les Malouins et Granvillais sera de se consacrer totalement au Grand Banc ; pour les "ventres de cuir" ou pêcheurs de la baie de Saint-Brieuc ce sera l'Islande, d'ailleurs moins couteuse en investissements.

L'administration de ces ports morutiers dépendait du deuxième arrondissement maritime, celui de Brest et plus spécialement du sous-arrondissement de Saint-Servan, dont les deux ports de l'Est Saint-Malo et Granville armèrent aussi un peu pour l'Islande mais en recrutant leurs équipages en baie de Saint-Brieuc et Paimpol.

 

Paimpol est évidemment au centre de toutes ces expéditions, ayant été le premier à abandonner le French Shore, le premier en 1852 à s'engager pour l'Islande ( brick goélette Occasion de l'armateur Morand) et le dernier à abandonner en 1935 ( goélette Glycine ).

Son renom a été tel que tous les autres islandais bretons étaient qualifiés de Paimpolais. Paimpol a mieux résisté que ses voisins aux crises de la morue par suite de la compétence de ses armateurs qui n'ont pas hésité au sortir du grand marasme de 1884-1886 à investir dans des bâtiments neufs, à allonger les campagnes par des départs précoces malgré les récriminations des Dunkerquois, à recruter des équipages de qualité, à bien les nourrir et à appliquer systématiquement la rétribution au tiers qui en plus d'intéresser l'homme au nombre de prises personnelles l'associe au prix de vente, au gain ou à la perte. Paimpol est le seul port breton qui a persisté à Islande après la première guerre mondiale pour arrêter en 1935, en partie associé avec Gravelines.

 

Pontrieux dans la rivière du Trieux se confond avec Paimpol car ses quelques navires rejoignaient ce port pour y faire leurs armements.

 

Tréguier est plus ou moins différencié dans les listes de Paimpol, suivant l'époque. Si tardivement il n'y est plus armé que des navires chasseurs ou de première pêche mélangés aux Paimpolais, avant 1886 on y comptait quand même une douzaine de lougres ou de goélettes à faire le métier d'Islande. Mais Tréguier ne surmontera pas plus la crise de 1886 que Portrieux.

 

Portrieux, le port de Saint-Quay a activement armé une douzaine de goélettes pour Islande pour arrêter en 1886 par la déconfiture de ses armateurs sans doute pas assez aguerris aux risques des campagnes de pêche.

 

 

Binic très engagé dans la pêche au French Shore de Terre-Neuve, au point de représenter à l'Ouest le chef de file des résistants aux prétentions d'hégémonie des Malouins "I 'empire des Mélouins" s'est reconvertie pour Islande sur le tard mais a pris la deuxième place des Islandais bretons devant Dahouêt pour terminer comme ce dernier port avec la première guerre mondiale devant la concurrence des chalutiers à vapeur.

Entrée du port de Binic

Entrée du port de Binic

 

Le Légué, qu’il ne faut pas confondre avec Saint-Brieuc, son quartier maritime, puisque l’essentiel de son activité était sur la rive Plérin, ne s’est jamais entrepris à fond dans l’aventure d'Islande. Très engagés comme Binic à la côte de Terre-Neuve, les armateurs ou "Messieurs du Légué" étaient d'une autre catégorie sociale que les négociants qui armaient pour Islande à moindre coût. Ils n'ont jamais dépassé quatre à six bâtiments pour cette dernière destination, les autres bâtiments dits islandais du quartier de Saint-Brieuc étant du port de Dahouët. Favorisés par la présence d'un entrepôt en Douanes et de quais importants les armateurs du Légué donnèrent leur préférence au cabotage et au long cours.

 

 

Le nom de Dahouêt pour l'Islande a souvent été masqué par Saint-Brieuc son quartier maritime. Ayant démarré tardivement pour la côte de Terre-Neuve, il s'est activé pour la nouvelle destination au point d'avoir été par deux fois le deuxième des bretons ( 1862 et 1894 ) et d'armer 8 à 16 goélettes. Mais la perte de trois navires ( Capelan et Saint Michel en 1901 et Marie Berthe en 1903 ) au moment d'une période de récession a déterminé la stagnation des armements puis l'arrêt définitif en 1914.

 

 

 

Port de Dahouët - Goélettes

Port de Dahouët - Goélettes

 

Le port voisin d'Erquy, riche en marins n'a jamais armé directement pour Islande, à part un ou deux chasseurs, n'ayant pas réussi à temps l'aménagement nécessaire pour recevoir les goélettes de J. De Kerjégu délocalisées du Légué. Les hommes s'embarquaient à Saint-Malo et surtout à Dahouët.

 

Saint-Malo ( et Saint-Servan ) a préféré en se dégageant du French Shore s'investir pour le Grand Banc de Terre-Neuve où il a particulièrement réussi. Ce qui ne l'a pas empêché de faire jusqu'en 1883 quelques armements pour Islande ( 18 navires cette année là, vis à vis de 39 de Saint-Brieuc Binic, 39 de Paimpol et 10 de Tréguier ). Mais Saint-Malo n'est pas à donner en exemple car ses armateurs n'ont pas pris cette nouvelle destination trop au sérieux en y envoyant trop souvent des bâtiments trop vieux pour Terre-Neuve et en recrutant les marins hors de chez eux, ne trouvant pas de spécialistes de la ligne à main sur place.

 

Le port bas normand de Granville est à compter avec les bretons car situé aussi dans le deuxième arrondissement il recrutait comme Saint-Malo ses équipages pour Islande en baie de Saint-Brieuc. Il a suivi Saint-Malo en préférant le Banc.

 

 

Il se trouve que dès le début les ports bretons ont été plus spécialement attirés par l'Ouest de l'Islande où les amenait d'ailleurs leur route normale par l'Ouest des Iles britanniques et les conseils des officiers de l'escadre de surveillance comme le commandant Véron en 1857. Mais le coût des escales et l'insécurité du port de Reykjavik emmena un moment les Paimpolais majoritairement à l'Est, vers Faskrudfiord tandis que les Binicats et Dahouëtins remontaient dans les deux grandes baies de l'Ouest, pour faire leurs escales préférées d'abord à Grônnefiord ( Gründarfjordur ) où se situait un établissement français créé par Allenou de Paimpol, puis Dyrefiord ( mouillage de Hogdal ) où relâchait le navire d'assistance français et surtout Patrexfiord.

Ce fiord où étaient situés les comptoirs jumeaux de Vatneyri et Gerseyri prend son nom de Patrik, apôtre de l'Irlande gaelique, qui était un Breton (on ne sait trop s'il était d'origine continentale ou insulaire). Patrixfiord devait devenir le rendez-vous des pêcheurs bretons dans l'Ouest de l'Islande pendant l'époque de la pêche française. Des navires de Gravelines y venaient aussi quelques fois mais en grande majorité les Nordistes préféraient l'Est et leur Faskrudfjord.

 

J.G.

 

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