1 juin 2016 3 01 /06 /juin /2016 08:00

 

Pas plus que les célèbres gardes barrières de l’Aviation les chevaux dans la Marine ne devraient pas être souvent utilisés. Il était un pays cependant où la Marine française avait assez souvent affaire à l’espèce équine c’était l’Islande.

 

Comme nous l’apprend l’abbé P.Gicquello, aumônier à bord du Saint Paul, navire des Œuvres de Mer, en fin du XIXe siècle en Islande tout le monde allait à cheval. Le poney était à l’islandais ce que le chameau est au bédouin (En Islande 1897) :

« En Islande c’est le seul mode de locomotion. il n’y a d’ailleurs que trois grandes routes aboutissant à la capitale, et chacune d’elles a une longueur de dix kilomètres au plus. Tout le monde voyage donc à cheval et de bonne heure les hommes et les femmes sont très solides sur leurs montures »

 

Et Gicquello se laisse attendrir sur les poneys comme il l’a fait sur leurs propriétaires :

« Les pauvres chevaux, au regard très triste et plein de mélancolie, sont tellement malheureux qu’on excuse sans peine leurs larcins. A notre arrivée en Islande, nous les rencontrions un peu partout, errant à l’aventure à la recherche d’une herbe rare. Ils étaient nombreux sur le rivage où à marée basse ils se régalaient de goëmon, mets abondant sinon délicat. Durant l’hiver, c’est là, parait-il, avec les têtes de morues et les détritus de poisson, le fonds de leur nourriture. »

 

On trouve ainsi souvent sur les photos de l’époque des marins en uniforme à cheval sur leurs coursiers (par exemple équipage du Lavoisier Le Sec’h 1912).

Les réceptions par les autorités islandaises imposaient aux visiteurs étrangers une promenade équestre dans les environs de Reykjawik avec le consul de France et l’aumônier catholique de l’Hôpital. Il fallait s’y faire, cavalier confirmé ou non, car au lieu de trotter les poneys marchaient l’amble si bien que beaucoup de visiteurs préféraient passer au galop. Mais alors gare ! Vu la taille des montures, la longueur des jambes des cavaliers et la hauteur du bord de l’ornière qui servait de chemin, il fallait relever les jambes à temps pour ne pas se briser les chevilles. Dans cette sortie de 1897 avec le consul Tullinius, l’abbé Klemp et l’abbé Gicquello, le docteur Chastang fut précipité à terre par le glissement de la selle, sur le gazon heureusement et non pas dans le torrent tout proche.

 

Mais ce n’était là pour l’équipe du navire Saint Paul qu’une petite épreuve de quelques heures par rapport à celle qui attendait tout l’équipage en 1899 lorsque le beau navire s’étant planté à la côte à l’Ouest du cap Ingolf il fallut rentrer à Reykjawik en caravane de poneys sur des pistes invraisemblables à travers monts et vallées. Ce qui nous vaut une photo triomphante du commandant Lacroix à cheval mais le parcours dut mettre à l’épreuve les fesses du capitaine et de plus d’un matelot. C’était la façon normale de regagner Reykjawik pour être rapatriés, de tous les équipages jetés à la côte Sud.

“Tonton Yves” Le Roux de Plouézec accomplit ainsi le voyage avec l’équipage de l’Aurore en 1912, comme l’avait fait avant eux l’équipage de la Marie Joséphine de Dunkerque en 1897 et bien d’autres. Il est faux de prétendre que les équipages des navires jetés à la côte basse du “bock à vase” étaient systématiquement perdus car ils étaient en général récupérés par les indigènes. Plus haut dans l’Est, dès la hauteur de Hornwig, les naufragés vu la distance et la présence de ports avaient intérêt à attendre chez l’habitant le passage d’un navire français.

 

Cheval islandais avec son épais manteau d'hiver - Andreas Tille - Licence Creative Commons

Cheval islandais avec son épais manteau d'hiver - Andreas Tille - Licence Creative Commons

 

Les capitaines bretons et dunkerquois arrivaient à apprécier les qualités de ces poneys islandais, si sobres et robustes que les anglais importaient souvent pour travailler dans les mines. Les capitaines en ramenaient souvent en France pour eux ou pour leurs armateurs.

Le petit cheval coutait de 60 à 80 francs suivant Le Goffic, 120 francs suivant la facturation de Johanesson au capitaine Gallais de la Marie Berthe de Dahouet en 1899. Comme la somme confiée au capitaine pour faire face aux dépenses en cours de campagne ne dépassait pas 150 francs il pouvait être nécessaire de troquer une barrique de vin pour faire l’appoint.

 

Mais comment voyageait un cheval sur une goélette ? Le Goffic nous le raconte :

« Sur le pont de la Bettina, une goélette paimpolaise qui avait vendu sa pêche à Fécamp, où a été établie depuis peu une sécherie de morues, j’avais remarqué à l’arrière du grand mât, une sorte de boxe rudimentaire en planches brutes, couvert d’un prélart de toile goudronnée et dans ce boxe un petit cheval à l’oeil vif, à l’encolure dégagée, hôte inattendu de la goélette. C’était un poney d’Islande. La race en est assez répandue dans nos ports moruyers, ces jolis chevaux nains sont achetés par les capitaines pour leur compte ou celui de leurs armateurs. Sur place ils coutent de 60 à 80 francs, mais ils sont frappés d’un droit d’entrée assez fort. On les recherche néanmoins pour leur endurance, leur alacrité, surtout l’extraordinaire indifférence avec laquelle ils acceptent toute espèce de nourriture. De fait s’ils vivent de lichen en Islande, à bord on les nourrit de vieille paille, de goëmon et même de poisson séché.

 

Avec eux sur le pont, mais avec les ailes un peu rognées un couple ou deux de ces gros goëlands mantelés que les pêcheurs appellent des cagnats et qu’ils ont dénichés sur les récifs de pleine mer. Les cagnats se familiarisent très vite et font l’ornement des jardins paimpolais »

Le Goffic “ Sur la côte ” édition 1907

 

Avec le chien du bord, Terre Neuve ou Labrador qui existait sur presque toutes les goélettes pour récupérer le poisson décroché des lignes et servir de gardien radar lors de dérive à la cape par mauvais temps, tout l’équipage en bas, les cagnats en demi liberté cela devait faire une véritable ferme sur le pont, moins quand même que sur le navire de la Marine avec ses huit à dix bœufs vivants destinés à la fourniture de viande fraiche.

 

Les anciens Paimpolais ont encore le souvenir de ces petits chevaux pour qui on fabriquait des carrioles à leur taille, comme Mignon à Alexandre Le Goff et Badine à Yves Nédellec. Mais par contre la race n’en est pas restée dans le pays. Sur la côte de la baie de Saint Brieuc avaient lieu régulièrement des courses de poneys d’Islande, d’ânes et de jeunes gens, sans mélange d’espèces mais au cours des mêmes festivités.

 

J.G.

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