La lecture de l'ouvrage de Madame Palmadottir « Fransi biskvi » (les « biscuits français ») produit chez les lecteurs français au courant du passé islandais de leur région, beaucoup d'émotion et de nostalgie. Elle nous fait connaître une face inconnue des expéditions de nos anciens, les rapports des pécheurs avec les islandais de « d'ssus le pays ».
Attirés par le nom de Patrixfiord dans les fiords du nord-ouest de l'Islande où descendaient les gens de Binic et de Dahouët, aux bons soins de M.Ollivier (Johanesson) nous ne pouvions qu'être intrigués par le récit de la mort d'un mousse ou plus exactement un novice, c'est-à-dire âgé entre seize et dix-huit ans.
A Patrixfiord, Ari Jonsson, élevé par l'aubergiste Einar et sa femme Steinunn, qui avaient obtenu l'autorisation d'avoir quelques lits pour accueillir les malades, se souvenaient de la mort d'un jeune breton de 17 ans à la fin du siècle dernier. Le jeune homme malade et faible resta longtemps couché au chaud puis commença à se remettre. Il passait son temps à fabriquer des objets dans une boîte de conserves de baleine et ne pouvait communiquer qu'avec Ari qui avait son âge et qui lui portait attention. Au printemps il mourut d'une mauvaise grippe...
Effectivement le rapport du commandant Auvert commandant la station française d'Islande mentionne en 1898 la mort du novice de la Sainte Anne de Dahouët en Pléneuf.
Le Sisselmann (Administrateur local) Pall Einarsson fait en date du 3 mai le constat de décès de ROLLIER Pierre, Marie, Joseph né le 6 Juillet 1882 à Erquy Côtes du Nord commune voisine de Dahouët en Pléneuf.
L'officier fait placer une croix sur la tombe qui est située face au mouillage de Vatneyri à Landlanksal.
En 1898, la goélette Sainte Anne de l'armement Jules de Kerjégu prend rôle et armement à Dahouët sous commandement d'Auguste Floury de Ploubazlanec. Elle part du Légué pour revenir en baie d'Erquy le 11 septembre débarquer les hommes. Il lui manque le novice Pierre Rollier décédé le 3 Mai de pneumonie. Le navire était arrivé à Patriksfiord le 28 avril pour transborder sa pêche sur le chasseur Mouette du même armement et avait repris la mer en première pêche et ses amis seraient revenus pour le voir mourir ?
Rôle d’équipage de la Sainte Anne
Du rôle d'équipage du navire Sainte Anne commandé par M.Floury Auguste et armé à Saint Brieuc a été extrait ce qui suit:
«
Ce jourd'hui trois du mois de Mai de l'année 1898 à 0 heure 30 du soir, étant à Patrixfiord Islande où il n'existe pas d'agent français investi des fonctions d'officier de l'état civil, Nous Floury Auguste capitaine du navire Sainte Anne armé à Saint Brieuc, remplissant à bord les fonctions d'officier de l'état civil en vertu de l'article 86, livret titre II, chapitre IV du code civil.
En présence de M. Rollier Constant, François, Marie âgé de 26 ans, domicilié avant son embarquement à Erquy, arrondissement de Saint-Brieuc département des Côtes-du-Nord et de M. Rollier, Pierre, Marie, Joseph fils de Jean et de Jeanne Silvestre, né le 6 juillet 1882 à Erquy, arrondissement de Saint-Brieuc, département des Côtes-du-Nord, domicilié avant son embarquement à Erquy, arrondissement de Saint-Brieuc, département des Côtes-du -Nord, inscrit à Saint-Brieuc F'843 N'572 porté sur le rôle d'équipage en qualité de novice, est décédé à l'hôpital de Patrixfiord à 0 Heure 30 du soir.
En foi de quoi nous avons dressé à la suite du rôle d'équipage du dit bâtiment le présent acte de décès qui a été signé après lecture par nous et par le sieur Rouget Pierre présent au moment du décès.
A bord les jours, mois et an que dessus.
Floury Auguste
Rollier Pierre Rollier Constant Rouget Pierre
Rollier Pierre, Marie, Joseph né le 6 Juillet 1882 mort à Patrixfiord le 3 Mai.
Pall Pinarsson.
»
Rapport de mer de la Sainte Anne
« Rentré le 28 avril à Patrixfiord où j'ai transbordé sur la goélette "Mouette".
Le 3 mai le nommé Rollier Pierre, embarqué comme novice, est décédé à terre à Patrixfiord. Repris la mer le 4 mai »
Cimetière de Saudlanksdalur, ancien siège de la paroisse de Patrixfiord
Ayons une pensée pour ces jeunes gens de chez nous qui reposent dans le petit cimetière abandonné de Saudlanksdalur, sans qu’aucune croix identifiée à l’heure actuelle puisse nous en montrer l’emplacement exact parmi les tertres funèbres.
La mort du mousse en Islande
Le mousse est étendu sur un grand lit tout blanc.
Son corps est amaigri, sa figure très pâle.
Se dressant avec peine sur son bras tremblant,
Il regarde au lointain le ciel couleur d'opale.
C'est qu'il voudrait parler le pauvre petit mousse,
Revoir ceux qu'il aima, tremper sa lèvre encor
Dans le cidre vermeil qui pétille et qui mousse.
La fièvre le tient là, le froid raidit son corps.
Triste sur son grand lit il tombe en sanglotant
Devinant qu'il n'a plus qu'un court moment à vivre
A travers les carreaux qu'illumine le givre,
Par-delà les flots gris, les icebergs flottants
Il a cru distinguer dans la brume du soir
Le vieux logis natal tendu d'un crêpe noir.
François MENEZ
Journal de Paimpol 29 octobre 1911.
J.G.
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