1 juillet 2013 1 01 /07 /juillet /2013 09:00

 

De l’Inscription Maritime aux Affaires Maritimes.


L’Inscription Maritime a été créée par des ordonnances de Louis XIV sous l’impulsion et les directives de son ministre Jean-Baptiste Colbert. Elle sera « modernisée » sous la Révolution française en 1795. Navigant à la pêche ou au commerce, les inscrits maritimes bénéficient d’un régime de prévoyance bien en avance sur son époque mais doivent effectuer leur service militaire dans la flotte de guerre.

Le 26 Mai 1967 l’Inscription Maritime prend officiellement le nom d’Affaires Maritimes. Elle ne pratique plus l’enrôlement militaire. Ce sera la fin des classes de recrutement instituées par Colbert, qui auront vécu près de 300 ans.


L’Inscription Maritime au quotidien


Il nous a paru utile de mieux connaître l’administration qui régissait la carrière et la vie de nos ancêtres, qu’ils aient été marins pêcheurs côtiers, à Terre-Neuve ou en Islande, au cabotage ou au long cours. Tous étaient inscrits sous un numéro matricule, disposant d’un livret professionnel maritime (à cette époque, livret et fascicule de mobilisation ne faisaient qu’un), véritable pièce d’identité/passeport où chaque mouvement à la mer était apostillé : nom du navire, dates et ports d’embarquement et débarquement. On y portait également les contrôles de santé et les brevets, diplômes et certificats obtenus.


La politique sociale de l’Inscription Maritime se concrétise depuis 1709 par l’Etablissement des invalides de la marine qui comprend trois parties : la Caisse des prises qui recueille entre autres le produit des prises de mer ; la Caisse des gens de mer qui recueille pour le marin absent les soldes et émoluments qui lui sont dus, et sur lesquels elle prélève la portion désignée par lui pour subvenir aux besoins de sa famille ; la Caisse des Invalides dédiée aux secours mutuels pour les marins blessés, malades et nécessiteux auxquels elle attribue des indemnités et des pensions appelées « demi-soldes ».

Une véritable pension de retraite est instituée en 1784.

Pour terminer citons la loi du 29 Décembre 1905 qui porte sur la création d’une caisse nationale de prévoyance au profit des marins français.


On sait que pour les marins du canton de Pléneuf, l’administration des affaires maritime était représentée par le syndic des gens de mer d’Erquy. Mais qu’en était-il des autres syndics de la baie, et quel était plus précisément le découpage administratif appliqué à notre région ainsi que les différentes couches constituant la pyramide des responsabilités de l’institution ?

A ce sujet, l’ouvrage de B. Girard, La Bretagne Maritime (Imprimerie Ch. Thèze - Rochefort-sur-Mer - 1889) nous fournit la matière pour décrire le paysage administratif du littoral breton tel qu’il se présentait vers la fin du XIXe  lorsque la grande pêche battait son plein à Dahouët.


La Bretagne maritime en 1885 – Subdivisions administratives.


En 1885 la Bretagne maritime se compose de 728 communes rattachées au littoral et situées dans les limites de l’Inscription Maritime. Elles appartiennent au 2ème et 3ème arrondissements maritimes ayant respectivement Brest et Lorient pour chefs-lieux.

Seul le 2ème arrondissement de Brest nous intéresse puisque Dahouët, comme tous les ports de Bretagne Nord et quelques ports de la Manche, appartient à cet arrondissement.


Le 2ème Arrondissement de Brest est divisé en deux sous-arrondissements : Brest et Saint-Servan, qui comprennent 20 quartiers maritimes et 65 syndicats.


Le Sous-arrondissement de Brest  comprend 13 Quartiers : Paimpol, Tréguier, Lannion, Morlaix, Roscoff, L’Aberwrac’h, Le Conquet, Brest, Camaret, Douarnenez, Audierne, Quimper et Concarneau.

Le Sous-arrondissement de St-Servan  comprend 7 Quartiers : Regnéville et Granville, tous deux dans le département de la Manche (50), Cancale, St Malo, Dinan, Binic et Saint-Brieuc.

Remarque : Par Décret du 31 Mars 1919 – J.O. du 4 Avril page 3.501, le sous-arrondissement de St Servan se voit attribuer toute la grande pêche. Il récupère ainsi les quartiers de Paimpol, Lannion et Tréguier qui dépendaient du sous-arrondissement de Brest.


L’une des fonctions attribuées aux quartiers maritimes est l’immatriculation des navires. Le numéro d’immatriculation arboré sur les flancs des navires est complété par les deux lettres de son quartier d’immatriculation (Exemple SB 396 pour le cotre « Oiseau volage » de Dahouët,  immatriculé par le quartier de Saint-Brieuc dont relève notre port).


Intéressons nous maintenant aux quartiers de Paimpol, Binic, Saint-Brieuc, Dinan et Saint- Malo en citant quelques chiffres permettant d’évaluer leur importance.


Le Quartier de Paimpol comprend 4 syndicats : Île de Bréhat, Pontrieux, Plouezec et Paimpol.

Au 1er Janvier 1887 le quartier compte 7746 inscrits. En 1885 le quartier a armé pour la pêche à la morue 45 navires pour Islande (il n’a pas armé pour Terre-Neuve), 1 armement au long cours, 56 au cabotage, 54 au bornage et 338 à la petite pêche.

65 navires et 446 bateaux sont attachés à ce quartier.


Le Quartier de Binic comprend 2 syndicats : Binic et Portrieux.

Au 1er Janvier 1887 le quartier compte 2922 inscrits. En 1885 le quartier a armé pour la pêche à la morue 12 navires pour Terre-Neuve et 13 pour Islande, 2 armements au long cours, 17 au cabotage, 5 au bornage et 64 à la petite pêche.

28 navires et 123 bateaux sont attachés à ce quartier.


Le Quartier de Saint-Brieuc comprend 4 syndicats : Plévenon, Erquy, St-Brieuc, Le Légué.

Au 1er Janvier 1887 le quartier compte 3563 inscrits. En 1885 le quartier a armé pour la pêche à la morue 7 navires pour Terre-Neuve et 9 pour Islande, 2 armements au long cours, 23 au cabotage, 10 au bornage et 153 à la petite pêche.

30 navires et 224 bateaux sont attachés à ce quartier.


Le Quartier de Dinan comprend 5 syndicats : Saint-Jacut, Pleslin, Plouër, Pleudihen et Dinan.

Au 1er Janvier 1887 le quartier compte 3608 inscrits. En 1885 le quartier a armé 2 navires au cabotage, 82 au bornage et 198 à la petite pêche.

6 navires et 467 bateaux sont attachés à ce quartier.


Le Quartier de Saint-Malo comprend 6 syndicats : Saint-Malo, Saint-Servan, Saint-Suliac, Pleurtuit, Dinard-Saint-Enogat et Saint-Briac.

Au 1er Janvier 1887 le quartier compte 5437 inscrits. En 1885 le quartier a armé pour la pêche à la morue 70 navires pour Terre-Neuve et 1 pour Islande, 46 armements au long cours, 30 au cabotage, 157 au bornage et 223 à la petite pêche.

270 navires et 698 bateaux sont attachés à ce quartier.


Les syndics des gens de mer sont des fonctionnaires habilités à recruter et enregistrer les futurs inscrits maritimes. Ils sont socialement proches des marins et de leurs activités, veillant à l’application du règlement maritime : sécurité à bord des navires, droits et zones de pêche, au large et sur l’estran et en général tout ce qui touche au domaine maritime qui leur est alloué.


Pour en terminer avec le découpage administratif, nous nous intéresserons, aux 7 syndicats de la baie les plus voisins de Dahouët : Paimpol, Portrieux, Binic, Le Légué, Saint-Brieuc, Erquy et Plévenon, ainsi qu’aux communes qui en dépendent, avec pour certaines, la population de l’époque.  


Le Syndicat de Paimpol se compose de 7 communes :  Paimpol (2211 h), Plourivo, Ploubazlanec (3383 h), Plounez, Kerity, Yvias et Kerfot.


Le Syndicat de Portrieux se compose de 4 communes : Tréguidel, Plourhan, Saint Quay (2648 h), Tréveneuc.


Le Syndicat de Binic se compose de 4 communes :  Binic (2379 h), Lantic, Etables, Pléguien.


Le Syndicat du Légué se compose de 2 communes : Plérin (5466 h) et Pordic (4447 h).


Le Syndicat de Saint-Brieuc se compose de 56 communes :  La Poterie, Lamballe (4429 h), Pommeret, Hillion (2666 h), Yffiniac, Trégueux, Langueux (2855 h), Saint-Brieuc (19240 h), Trémuson, La Méaugon, Ploufragan (2793 h), Saint-Donan, Saint-Julien, Plédran (3390 h), Quessoy (2857 h), Bréhand, Trébry, Moncontour, Hénon, Saint-Garreuc, Plaintel (2790 h), Lanfains, Le Bodéo, L’Hermitage-Lorges, Ploeuc (4875 h), Plémy, Gausson, Langast, Plessala, Plouguenest, La Motte, Loudéac (5900 h), Le Quillio, Uzel, Allineuc, Merléac, Glomel, Saint-Brandan, Quintin (3319 h), Foeil, Plaine-Haute, Cohiniac, Boqueho, Plouvara, Plerneuf, Tréméloir, Trégomeur, Plélo, Chatelaudren (1443 h), Plouagat, Bringolo, Le Merzer, Guingamp (8744 h), Saint-Agathon, Ploumagoar et Bourbriac (4436 h).


Le Syndicat d’Erquy se compose de 11 communes dépendantes des cantons de Pléneuf, Matignon et Lamballe. Il s’agit de Plurien  (1516 h), Erquy (2708 h), Pléneuf (2317 h), Saint-Alban (1642 h), Planguenoual (1936 h), La Bouillie (887 h), Hénansal (1356 h), Saint-Aaron (1101 h), Andel (658 h), Coëtmieux (719 h) et Morieux  (669 h).


IM-ErquyLe bâtiment du Syndic des gens de mer à Erquy


Le Syndicat de Plévenon se compose de 10 communes : Pluduno (1893 h), Notre-Dame-du-Guildo, Saint-Cast (1553 h), Matignon (1515 h), Saint Potan, Ruca, Hénan-Bihen (1922 h), Pléboulle (1097 h), Plévenon (1188 h) et Pléhérel.


Au terme de ce voyage instructif il nous est maintenant possible de reconstituer la pile des couches administratives dont relevaient les marins de Dahouët en 1885 :


2ème Arrondissement de Brest  (vice-amiral, préfet maritime),

Sous-arrondissement de Saint-Servan (administrateur en Chef),

Quartier de Saint-Brieuc (administrateur),

Syndicat d’Erquy (le syndic des gens de mer),

Dahouët en la commune de Pléneuf.


L’activité du port de Dahouët en 1885


L'importance de Dahouët se mesure à la densité de son trafic maritime et aux importations/exportations réalisées sur ses quais, tous bâtiments confondus, cabotage et grande pêche. En 1885 le bilan des entrées/sorties était le suivant :

 

Entrées : 95 navires dont 54 venant de l’étranger et 41 de divers ports français. Tonnage 4658 tonneaux.

1235 tonneaux de diverses marchandises proviennent de l’étranger.

Le cabotage français a importé 563 tonneaux de diverses marchandises consistant en sels marins, matériaux à bâtir, noir animal, bois, grains et farines, vins etc. provenant des ports de  Dunkerque, Saint Malo, Erquy, Le Légué, Binic, Paimpol, Brest, Mesquer, Le Croisic et Bordeaux.


Sorties : 95 navires dont 66 pour la grande pêche ou l’étranger (3856 T) et 29 vers divers ports français avec 805 T de marchandises : pommes de terre, légumes secs, grains, farines etc. à destination de Granville, Erquy, Brest et Bayonne.


On trouve à Dahouët une station de pilotes-lamaneurs et un garde maritime résidant à la Ville Pichard.

 

D.C.

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  • : Atelier du Patrimoine Maritime de Dahouët
  • : Bienvenue sur le blog de l'association "Atelier du Patrimoine Maritime de Dahouët" (Pléneuf-Val-André - 22370) - Installé sur le port, dans l'ancien bureau des Douanes, l'atelier a pour objectifs l'étude et la conservation de l'histoire du port de Dahouët et de la baie de Saint Brieuc, tant au point de vue matériel qu'humain.
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