10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 17:57

 

 

Si l’on croit les méchantes langues, nos pêcheurs n’auraient pas toujours été insensibles à tant de perfections. Vingt récits en courent aux veillées, qui témoignent de la redoutable puissance des « vierges islandaises »

Charles Le Goffic - Goélettes d’Islande

 

On peut admettre que Le Goffic n’est pas une autorité très fiable mais il est certain que de telles histoires circulaient et circulent encore sur la côte à propos de marins revenus au pays, au bout de quelques années d’absence.

Il n’est pas question d’essayer de démontrer que des marins français sont les géniteurs de la partie de la population islandaise à chevelure sombre. L’origine de celle ci est certainement plus ancienne car les vieux écrits bretons et irlandais distinguaient déjà dans les envahisseurs Scandinaves des « gall du » ou païens noirs, à coté des païens blonds « gall gwen » qui ravageaient leurs côtes. (Origine apparemment des noms de famille Gauvain et Gaudu)

 

On peut admettre aussi que beaucoup d’histoires que l’on raconte dans l’île au sujet de liaisons durables entre des femmes islandaises et des marins français, à peu près toujours des « capitaines à la casquette galonnée », sont difficilement fiables dans leur réalité historique, car il n’y avait chaque année qu’un navire militaire ou deux à séjourner dans les fiords et pendant peu de temps.

 

Par contre le fait que des marins bretons aient fréquemment eu des rapports brefs avec des femmes islandaises semble incontestable même si la pureté de la race n’en a été que très peu affectée. Elle a pu l’être plus quand les Northmen pour s’établir en Islande avaient razzié des femmes en Irlande et en Bretagne.

 

Un certain nombre d’Islandais ont du mal à admettre ces contacts. La contestation soulevée sur l’importance de rapprochement entre les marins français et des femmes d’Islande se base sur plusieurs arguments :

Les pêcheurs descendaient ils assez souvent à terre ?

 

Officiellement les escales en dehors de la semaine de transbordement de la première pêche n’étaient pas fréquentes car elles altéraient le rendement de la pêche et n’auraient pas plu aux armateurs. Mais ceux-ci, les Bretons du moins, affirmaient cependant que le capitaine était laissé juge et toutes les escales en plus n’étaient pas portées sur les rapports de mer. C’est ce que l’on comprend quand on lit un rapport  comme celui de la Marie Berthe en 1886, où le capitaine n’a rien à cacher à son armateur, car le capitaine et l’armateur n’en font qu’un. Suivant l'affirmation du consignataire Hamonet de Bordeaux en 1896 les Bretons effectuaient au moins trois escales majeures Il y avait aussi des escales vraiment obligatoires pour réparations d’avaries et pendant ce temps là l’équipage avait du temps libre.

 

Il y avait des dépôts de malades de longue durée et qui trouvaient des infirmières bénévoles. On peut constater d’ailleurs qu’en deuxième  pêche ( la première étant effectuée en côte Sud où le débarquement était pratiquement impossible à part aux îles Westmann ) beaucoup de navires s’écartaient très peu de la côte, et restaient à la limite des eaux territoriales, surtout en côte Ouest moins exposée à la houle. D’où un grand nombre d’affaires de délits de pêche, chapardage de moutons et d’eiders, larcins chez l’habitant révélées par les plaintes de l’administration danoise.

 

Les pêcheurs français étaient ils misérables ?

 

Dans la baie de Saint-Brieuc au moins les marins de grande pêche représentaient un niveau social supérieur à celui des petits paysans sans terre, ouvriers agricoles et artisans, leurs salaires à la haute époque équivalaient au triple de celui de leurs voisins. Le coquettes maisons autour de Paimpol sont souvent prises en exemple.

 

Elles sont bons juges, il me semble dans l’espèce, les belles filles de Paimpol, elles dont toute l’ambition se hausse à être femmes d’Islandais.

Caradec  1902.

 

Il n’est que de parcourir les témoignages de contacts franco-islandais pour se rendre compte que le niveau de vie de l’ensemble des marins français était envié par les insulaires.

Ce sont quand même des pêcheurs bretons et leurs employeurs qui ont financé en 1869 la  Souscription en faveur des habitants d’Islande aux lieux où se font les armements à Islande en baie de Saint Brieuc

                            Mairie de Paimpol      1323, 35 francs

                            Mairie de Binic              410  francs

                            Mairie de Saint Quay    106 francs

                            Chambre de Commerce  de Saint Brieuc   164 francs

soit 2004 francs 35    transmis à la Chambre de Commerce de Dunkerque         

 

On retrouve une autre souscription  en faveur des populations islandaises en 1882. Le président de la Chambre de Commerce de Paimpol verse 933 francs 50 pour ces pauvres gens.

Les marins américains, pêcheurs de flétans, étaient peut être mieux habillés que les nôtres mais aux escales ils passaient leurs loisirs à compenser dans la bière locale leur privation d’alcool à bord et servaient d’arcs-boutants pour les murs du village.. Et encore, si le pêcheur breton daignait se changer pour descendre à terre, il avait de quoi le faire dans son coffre comme nous l’apprennent les inventaires de hardes et effets après décès.

 

Les pêcheurs français étaient ils crasseux et peu appétissants ?

 

Le métier de morutier ne favorisait pas sans doute la propreté mais les appréciations malveillantes dont on les a libéralement accablés ont des limites si on les compare, à leur avantage, comme les médecins de Oeuvres de Mer et le commandant Pivet, aux terre-neuvas : les pêcheurs d’Islande étaient rincés par les paquets de mer et à terre se grattaient la couenne dans les sources chaudes. En tous cas les Islandais d’Islande bénéficiaient largement des mêmes critiques entachées de condescendance!

          

Delpeuch  1868

Les boers islandais eux mêmes, ces sortes de tanières immondes où bêtes et gens passent l’hiver littéralement pressés les uns contre les autres, sont des gites presque confortables, en comparaison des logements réservés à l’équipage sur les goélettes de pêche.

 

Labonne

Si on réfléchit à l’atmosphère empoisonnée qui règne dans cette salle, à l’horreur de ses habitants pour toute ablution sérieuse, à l’humidité constante qui les environne, on comprendra qu’ils deviennent facilement sujets à l’asthme, à l’angine de poitrine.

 

De Seilhac- Gicquel

....aux quels il ajoute des excréments de mouton et des débris de poissons. A l’odeur particulière que dégage ce combustible vient se joindre la fumée des chandelles de suif et de la préparation de graisse des aliments.

 

Giquello 1897

On rencontre aussi à tous les coins de rue des tas de morues recouverts de lambeaux de toile et de vieilles planches. On dirait des tas de fumier de nos fermes françaises, d’autant plus que l’odeur est tout aussi..... et même si on établissait une comparaison, ce serait à l’avantage des fermes d’emblée.

 

On se rappellera que si les marins d’Islande ne faisaient pas la toilette tous les jours, par manque d’eau douce en quantité suffisante,  les descentes à terre étaient quand même l’occasion d’ablutions, aux dires des témoins ils se ruaient sur les points d’eau :

Ils étaient au comble de la joie de pouvoir enfin se laver normalement

Jonsdottir citée Palmadottir

 

L’étude des inventaires de hardes et effets après décès, dans les rôles d’équipage, prouve sans ambiguïté qu’il était embarqué du savon et des rasoirs et surtout que chacun disposait systématiquement d’une tenue de sortie, pantalon et veste de drap, petit gilet, chapeau et souliers. Ce qui porte à croire que c’était pour s’en servir quelques fois !

 

De temps en temps dans les mêmes inventaires on rencontre des éléments insolites, des cannes, un parapluie, cravate en velours, en satin mais surtout la cravate en soie! D’après plusieurs anecdotes racontées par Mme Palmadottir dans ‘Fransi biskui’ on se rend compte que cet objet de fantaisie, qu’elle ne croit pourtant pas pouvoir être possédé par de pauvres et misérables marins, est souvent utilisé à attirer les faveurs des dames.

 

Costumes d'Islande

Costumes d'Islande

La barrière de la langue

 

On peut croire que c’était là un élément mineur car on s’exprimait très bien en sabir et même avec des gestes.

Voici  le brouillon de mot de billet doux fait par le capitaine Jacques Lévêque de Dahouët pour un de ses matelots en 1880 et trouvé sur son carnet. L’anglais n’est certainement pas académique :

 

Miss, sir C. of Liauval give you his heart for pavon ( proof ? ) of his love. Do you will to accept him ?                                  

Answerd me

I embrace you for him

Good bye

 

En Islande on se rappelle de phrases en sabir employées à l’occasion

 

Vula, Vula velta tunnu          Vula, Vula kyssa Gunnu

Vouloir, vouloir rouler le tonneau, vouloir, vouloir embrasser Gunna

Elle me surprend, Sigga, elle n’a pas compris ce que les français lui voulaient. Moi j’ai compris tout de suite

Fransi Biskui

 

On peut chercher le sens de rouler le tonneau dans le dictionnaire breton spécialisé de Martial Ménard.

Car bien sûr au lavoir les Français profitaient de l’incompréhension, en principe, de leurs voisines pour leur lancer sans remords des plaisanteries grivoises.

 

Les français traînaient ils des maladies vénériennes ?

 

Pour écarter les femmes islandaises des français, des malins avaient lancé le bruit que ceux-ci étaient contaminés de « fransous » mal qui a été rapporté par les marins de Colomb d’Amérique et d’habitude attribué généreusement aux Napolitains. Le fait déjà que le bruit ait du être lancé démontre qu’il y avait besoin d’un épouvantail pour écarter ces dames. En réalité, contrairement aux marins de l’Etat qui fréquentaient les bouges de Rochefort, peu de pêcheurs avaient l’occasion de se contaminer dans les voyages de Sud comme à Lisbonne.

 

On connait la chanson de Paimpol  dont la scène ne peut se passer qu’en Islande :            

               Lakaomp ar c’hanod war ar flod

               Ma z’ejomp gantan war an aod

               Davit ar merc’hed e c’hoant paotr

(  Mettons le canot à la mer, pour descendre à terre voir les filles en mal d’amour. )

 

Il y avait quelques fois des femmes qui montaient à bord lors des escales, elles devaient se faire payer en biscuits, monnaie d’échange la plus courante, car elles portaient des « jupes de voiliers » où l’on pouvait loger de la marchandise. Les pasteurs durent intervenir en défendant à leurs paroissiennes l’accès aux navires français.

 

Thad var kallad duggupils ; on appelait çà une jupe à voiliers, on pouvait y placer tout ce que l’on donnait à bord, à ce qu’on disait. Son mari alla la chercher le lendemain matin et on raconte que la femme penchait d’un côté tant la poche de la jupe était remplie.

Fransi Biskui

 

Il y avait certainement des femmes du pays qui tiraient régulièrement parti de leurs « charmes » avec les Français :  

      

Une vivait à Talknafjordur pendant longtemps. C’était une veuve pas toute jeune. Et cela se disait parmi les Français qu’elle était la plus facile à laquelle ils pouvaient rendre visite. Quand alors la plupart de l’équipage arrivait chez elle , elle était couchée sur son lit, peu vêtue et tenait un fond de barrique à ses pieds. Les Français comptaient alors leurs sous sur ce fond de barrique jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au prix plein. Ensuite ils étaient tous mis dehors et servis les uns après les autres. C’est ce que disent les vieilles histoires.

A. Ivarsson

 

Cela n’implique pas que les marins bretons fussent des obsédés sexuels et les Islandaises des dévergondées. N’oublions pas que la moitié des pêcheurs avaient moins de trente ans et les mœurs d’Islande considérées comme libres ( un enfant sur six naissait hors mariage ). Et puis ma foi il en a été ainsi dans tous les pays du monde.  Que les Islandais puristes se rassurent, un tel comportement n'a certainement pas pu influer sur la pureté de la race. Qu'ils acceptent quand même que l'île n'a pas été avant l'an mille colonisée seulement par des Scandinaves. 

 

J.G.      

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Atelier du Patrimoine Maritime de Dahouët
  • : Bienvenue sur le blog de l'association "Atelier du Patrimoine Maritime de Dahouët" (Pléneuf-Val-André - 22370) - Installé sur le port, dans l'ancien bureau des Douanes, l'atelier a pour objectifs l'étude et la conservation de l'histoire du port de Dahouët et de la baie de Saint Brieuc, tant au point de vue matériel qu'humain.
  • Contact

Collections

L'atelier, qui possède une importante collection d'objets et de souvenirs, est toujours en quête d'éléments nouveaux pour compléter sa base de données et appuyer ses recherches. Si vous pouvez nous aider, merci de bien vouloir nous contacter.

Recherche

Archives