15 janvier 2018 1 15 /01 /janvier /2018 09:00

 

Ce n'est peut-être dû qu'au hasard d'une lettre de rémission accordée par le roi de France en 1510 mais l’un des deux premiers navires terreneuviers européens connus est la Jaquette "du havre de Daouet en la parouesse de Pléneuc" avec un équipage de treize hommes. L'autre d'ailleurs est un proche voisin, la Bonne Adventure de l'île de Bréhat signalé en 1508.

Le port de Dahouët avait eu pendant l'existence du Duché une importance qui disparut sous la Royauté comme pour les autres ports dits obliques entre Brest et Saint Malo, par suite des guerres maritimes continuelles avec l'Angleterre.

 

On se figure mal à notre époque l'importance toute relative des installations des ports au moyen âge, en rapport avec des navires de faible tonnage pouvant entrer, vu leur faible tirant d'eau, dans des havres d'accès resserré et qui nécessitaient peu d'aménagements en dur.

Dahouët était le port de la ville "industrielle" florissante de Lamballe avec ses ferrandiers (clous et outils), pintiers (vaisselle d'étain), imagiers (sculpteurs), tessiers (tisserands), corroyeurs, mégissiers et parcheminiers, cordiers. De plus c'était un important marché agricole où convergeaient les céréales du Penthièvre "bleds" (froment) et "gros bleds" (seigle et orge) et où se négociait le bois d'œuvre des forêts de Coron et Lanmeur. Lamballe à l‘époque du beau Duché avec 1700 habitants était l'égale de Saint-Malo et plus importante que Brest qui n'avait que 1200 habitants.

Arrivaient d'autre part par mer les barres de fer d'Espagne, les tonneaux de Vin breton "Rouis ou Nantois" (de Rhuys ou de Nantes) ou de Vins de Poitou et de Bordeaux très demandés en Angleterre et aux Pays Bas, le sel de Guérande, de Rhuys, de Bourgneuf.

 

Le tout, entreposé dans des "celliers et mesons hors l’acteinte de la mer" par le personnel des seigneuries d'Erquy (La Longueraie, Bienassis, La Motte Rouge) et de Pléneuf. En 1434 le receveur de Lamballe fit installer un "pois" (balance) à Dahouët. Les installations étaient sans doute rudimentaires mais Saint-Malo en ces temps n'était pas apparemment beaucoup mieux loti.

À Saint-Malo que Charles VIII appelle 'le plus beau port de mer qui soit en notre

royaume’ les premiers quais datent de 1581; jusqu'à là les navires déchargent leurs

marchandises à marée basse dans des charrettes devant la grande porte de la ville ou dans l'anse voisine de la Mer Bonne

            Touchard p 324

 

On ne sera donc pas trop surpris qu'entre 1381 et 1400 sur trente navires bretons, eux-mêmes sur trente-six navires étrangers recensés en Angleterre du Sud-Ouest entre Southampton et le pays de Galles, treize proviennent du petit port de Dahouët, un de Roscoff, un de Ploumanach, Saint-Malo s'est mis à l'écart du Duché’ en se donnant déjà au roi de France. (Custom rolls suivant Touchard).

C'est le rattachement au royaume de France qui va développer en Bretagne Nord les deux ports militaires de Brest et Saint-Malo en abandonnant les ports "obliques" aux incursions des Anglais qui ne craignaient pas de mouiller leurs navires aux Roches Saint-Quay ou à Verdelet, sans beaucoup craindre les corsaires francais :

Un autre corsaire (anglais) de 8 à 10 canons mouille pendant plusieurs jours sous le Fort La Latte. Que craindrait-il? Le fort n’est occupé que par un gardien.

..... Vers minuit, une chaloupe armée se glisse le long de la côte de Trélévern, pénètre dans la rade de Perros et surprend la patache de la Douane.

            De Sallier Dupin

 

Résultat le vide s’était fait dans les ports de la Baie de Saint-Brieuc :

En 1717 il n'y a plus un bâtiment dans les ports de Binic, Portrieux et Dahouët en état de faire la pêche à la morue. Ils ont tous été pris pendant la guerre par les corsaires ennemis

            (cité De La Motte Rouge)

 

Tous ces ports et havres "obliques" n'avaient pas été jugés dignes d'être défendus :

Et de ladite pointe d'Erquy le dit sieur de la Longueraye nous auroit faict voir les lieux appelez le havre de Dahouet, la pointe de Hillion et la tour de Seisson qui es sur l'entrée du havre du Légué. Tous lesquels lieux nous avons jugé n'estre d'aucune considération pour le mouillage et encrage desdits vaisseaux.

Saint Brieux.... Son port n’est d’aucune considération.

            Rapport Colbert de Croissy 1665

 

De plus, alors que les Malouins faisaient à temps allégeance à la couronne, Lamballe avait eu le mauvais goût de rester fidèle à ses engagements lors des guerres de la Ligue et fut anéantie par quatre siéges et pillages des soldats du bon roi Henri IV, sa population tomba de 5400 à 3000 habitants. Il faudra attendre le renouveau de la ville au cours du dix huitième siècle pour voir Boullaire du Plessis, maire de la capitale du Penthièvre et député aux Etats, réussir à faire rouvrir la route vers la mer de Lamballe à Dahouët (1769) et ses successeurs faire effectuer le déroctage de l'entrée du port (1779) et l'aménagement des quais (1820).

 

La ville de Lamballe, qui était avant 1789 le chef-lieu du duché de Penthièvre et avait une importance relative plus considérable qu’aujourd'hui, fit, surtout vers la fin du siècle dernier, de grands efforts pour attirer l'attention sur le havre de Dahouet et amener à ce point la création d'un véritable port. Les négociants de cette ville, dont le marché des grains était alors un des plus forts qu’il y eut en Bretagne, construisent des magasins sur les deux rives du havre.

.... L’accés du port était autrefois assez dangereux, en raison des roches qui en obstruaient en partie l’entrée. Depuis qu'on les a fait disparaitre les navires arrivent sans danger dans le port.

            Rapport Pelaud 1878 ingénieur Ponts et Chaussées

 

Heureusement car Dahouët était tombé bien bas car d'après Habasque en 1834 "Rien n’est plus triste que l'aspect de Dahouë't à marée basse et il ne s’y trouve que quelques maisons en chaume et un four à chaux. On ne peut rien se procurer dans ce village".

 

Mais après 1830 l'espoir revient :

Les habitants de Lamballe et quelques propriétaires des environs viennent de poser les bases d’une société’ de commerce dont le but est de donner à ce petit port de l’activité et de fournir des débouchés aux productions du pays et surtout aux grains dont il abonde.

Dahouët vers 1895

Dahouët vers 1895

 

C'est ainsi qu’avec le renouveau du commerce, la pêche côtière à la drague des huîtres, la pêche à Terre Neuve put y reprendre après une interruption de trois cents ans, mais à cause du retard, avec une importance sans comparaison avec celle des ports de Binic et du Légué qui vers 1847 y envoyaient chacun de trente-deux à trente-quatre navires, tandis que Dahouët se contentait de cinq à six . C'est d'ailleurs ce retard pour Terre Neuve qui comme à Paimpol décida de la vocation islandaise de Dahouët, les armements pour Islande revenaient à trois fois moins cher et convenaient mieux aux capitaux réduits.

 

Paimpol commença Islande en 1852 avec le négociant Morand et les vingt-huit paimpolais de 1856 furent suivis en 1857 par neuf navires du quartier de Saint-Brieuc-Binic. En 1863 Dahouët avec onze navires était le deuxième port breton armant pour Islande, mais bientôt dépassé par Portrieux avant que celui-ci abandonne suite à la crise morutière de 1884. Les effectifs furent ensuite sensiblement analogues à ceux de Binic qui peu à peu délaissait la côte de Terre Neuve pour cette nouvelle destination, mais une mauvaise série de naufrages (trois sur une flottille déjà réduite par les crises à six entre 1901 et 1903, et un sur deux en 1910) au moment d'années déjà difficiles, empêcha la reprise puis entraina en 1914 la disparition de la flottille islandaise du port qui arrivait encore à réunir trois partants pour Terre Neuve.

Les années 1926-27 virent l'abandon de cette destination par Paimpol, Dahouët (la goélette à trois mâts Léon) et Binic (Brocéliande).

 

(à suivre)

 

J.G.

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